Video Diablo Dost Diablo Dos Pondicherry, Tamil Nadu India © phb.me Canon 5D MKII mai 2010 Diablo Dost from phb.me on Vimeo.
Un cœur qui bat.
Patricia la dernière fois où je l’ai eue au téléphone mâchait un chewing-gum.
Vous allez me dire que cela ne vous intéresse pas le moins du monde et vous avez tort !
En effet ce que ne savait pas Patricia c’est que lorsque j’ai raccroché, j’ai vu sa vidéo « Diablo Dost ».
Je me suis émerveillé de ces images qu’accompagne si bien cette musique.
Il y a une beauté, une poésie inouïes dans ce film.
Il est là, sans références aucune.
On peut y rencontrer certes Pasolini ou Fellini.
Mais au-delà de ce qui est montré qui n’appartient qu’à Patricia et comme je l’écris sans références aucune, je ne peux quand même m’empêcher de rêver à des images vues il y a déjà bien longtemps.
Des images qui ont été pour moi fondatrices.
Celles du meilleur film à mon sens de Raoul Ruiz « Les trois couronnes du matelot ».
Le réalisateur entre autres de « L’hypothèse du tableau volé » et de « La ville des pirates ».
Nadège Clair (Maria) aussi mâchait du chewing-gum dans le bordel de Valparaíso, lorsqu’elle conversait avec le matelot.
Chaque petite boule de chewing-gum représentait un amant qu’elle collait sur le cercueil d’enfant que l’on avait prévu, pensant qu’elle ne vivrait pas.
Pour Patricia, on s’est essayé à ce qu’elle existe moins, lui volant une partie de sa vie.
Maintenant il lui faut « être » avec d’autant plus de force, d’autant plus d’allant.
Mais c’est avec aisance que Patricia avance à grands pas.
Mais tout cela, Patricia ne le sait pas, c’est donc ainsi qu’il n’y a pas de références.
Aucun texte, aucune autorité ne peuvent attester de la qualité de son travail.
Son travail, c’est elle ! Pour peu qu’on la connaisse.
Il y a cette scène, éclairée comme le bordel de Valparaíso, envahie d’objets, en apparence des brimborions.
Des cornes, un cœur qui bat.
Un vase dont les fleurs frissonnent au vent du soir et sur la gauche une espèce de petit fantôme souple et cristallin, translucide comme une méduse qui danse au rythme de la musique.
Fragile.
Un bal de fantômes, donné pour le matelot partant pour le bateau des morts.
Cette scène aussi étrange, que vient-elle faire là, pourquoi vient-elle troubler notre certitude que le théâtre devrait se jouer dans des salles et qu’il y faut une histoire avec un début et une fin.
Ici sur la scène de ce petit théâtre, le cœur bat, donc c’est notre histoire qui se joue mais, ni fin ni commencement.
C’est là. Point !
Il faut accepter d’abandonner nos codes, notre langage formel, adapté à la pensée normée.
Ici, sur la scène de ce petit théâtre, tout est là, il n’y a simplement qu’à se laisser aller à se raconter des histoires.
Nos histoires, nous dansons, frémissons au gré du vent et c’est aussi beau que le bordel de Valparaíso.
Si le « moi » de Patricia c’était ça, nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Nous ressortons plus riches, plus heureux de la vision de ce film, charmés, séduits. Captivés, envoûtés.
Alors que certains veulent nous en mettre plein la vue, Patricia nous en fout plein la gueule !
Michel Fourcade
Mai 2010